Philippeville: les premières victimes de la Grande Guerre

1ère Partie

 

Le trois août mille neuf cent quatorze, l'Allemagne déclarait la guerre à la France. Philippeville, eut avec Bône, le triste privilège d'être la première cible que choisirent les Allemands. On y déplora les premières victimes Françaises de cet effroyable conflit.

Pour la défense de Philippeville, seul le fort d'EI Kantara disposait de deux canons de 190 mm, en état de fonctionnement depuis la veille, ils étaient d'ailleurs sur le point d'être désaffectés, mais la déclaration de guerre avait justifié leur remise en service.

A l'aube du quatre août, le croiseur allemand " Goeben ", un bâteau de vingt trois mille tonneaux, après être passé au large du Cap de Fer, en arborant le drapeau russe, pays allié, pour ne pas être inquiété, se présentait face au port de notre cité. Le poste de veille du Cap de Fer avait bien signalé son passage, mais ne l'avait pas identifié.

Ce navire de guerre était l'un des plus modernes de la marine allemande, long de près de cent soixante douze mètres, disposait d'un équipage de plus de mille hommes, d'une nombreuse et puissante artillerie et de lances torpilles.

Il ouvrit le feu avec pour objectifs le port, la gare, la caserne de France, l'usine à gaz.

Heureusement la riposte du fort d'EI Kantara fut très efficace et très rapide, parmi quelques obus tirés immédiatement, l'un atteignit vraisemblablement le navire ennemi à l'arrière. Surpris par une telle riposte le " Goeben " disparut très rapidement, prenant la direction de l'île Grigina. Cette agression, bien que de courte durée, provoqua néanmoins des dégâts conséquents:

Les militaires du régiment du Troisième Zouaves, qui avaient passé la nuit dans un hangar sur le port, dans l'intention d'embarquer pour la Métropole, furent les principales victimes, ils perdirent dix sept hommes et eurent de nombreux blessés. La mort de quatre civils fut également à déplorer. Il y eut aussi quelques dégâts matériels comme en témoignent ces cartes postales.

Je ne peux résister au désir de reproduire les textes figurant au dos de deux des cartes qui illustrent ce bombardement:

" Lundi 4 août à 5h l2, j'étais à peine couché sous le pont de chemin de fer, que je vis une épaisse fumée s'élever de l'usine à gaz. Je croyais le gazomètre atteint. Il n'en était rien, mais je voyais avec effroi les coups se rapprocher de l'endroit où je me trouvais. "

" Je vis tomber ou du moins je vis éclater, le projectile sur le hangar qu'il incendia. En moins de cinq minutes tout fût brûlé.



Le " Goeben " qui essuyait à ce moment le feu du fort d'El Kantara, prit la direction du large. Il avait tiré cinquante coups de canon, on compta quatre vingt tués, blessés ou disparus. "

La pièce de canon numéro vingt et un, qui tira les premiers coups de canon de la riposte, fut transportée le trente septembre mille neuf cent dix neuf, au musée des Invalides à Paris ou elle est encore visible.Un monument aux morts fut érigé à l'entrée du port, pour commémorer cet événement. A notre retour la plaque, qui ornait ce monument, fut conservée aux services historiques de l'armée de terre à Vincennes, avant d'être scellée au pied du monument des rapatriés érigé au cimetière des Gonards à Versailles.


C'est en allant me recueillir au pied de ce monument, que j'appris qu'à une certaine époque Philippeville avait été jumelée avec Versailles ! Si quelqu'un possède des information à ce sujet, je serais très heureux d'en avoir connaissance.

Contrairement à ce que dit le texte figurant près du monument de Versailles il ne me semble pas que la plaque commémorative du bombardement de Philippeville ait été au fort du pont d'El Kantara, elle se trouvait à l'entrée du port sur le monument ci dessous.

N'étant pas encore de ce monde en l'an de grâce mille neuf cent quatorze, j'ai dû m'inspirer pour écrire ces quelques lignes, des journaux de l'époque et des excellents ouvrages de Monsieur Emile Ledermann " Philippeville et ses environs ", de Monsieur Marcel Gori " Philippeville mon beau pays " et de Monsieur Gilbert Attard " La vie quotidienne à Philippeville ", ainsi que de mes cartes postales pour les images et les témoignages.

Enfin, qu'il me sois permis d'avoir une pensée pour ceux et ils sont nombreux, qui par leurs actions, leurs écrits, nous permettent, de cultiver et d'honorer le souvenir de nos générations précédentes, dont nous sommes fiers à juste titre.

Albert BRASSEUR