TŽmoignage sur un fait rŽel ŽvoquŽ en 1909
sur une Carte Postale ancienne de LA CALLE

 

Au-delˆ du plaisir des yeux pour le collectionneur, la Carte Postale permet de voyager ˆ travers le temps et de dŽcouvrir, par lĠimage, lĠŽvolution dĠune rue ou dĠun quartier, la naissance ou la disparition dĠun Ždifice public ou privŽ, la commŽmoration de ftes ou dĠŽvŽnements heureux ou douloureux, immortalisŽs sur ce support postal.

Mais lĠimage ne suffit pas toujours ˆ notre bonheur. Il faut aussi considŽrer, au-delˆ de la Collection, que la Carte Postale permet aussi de disperser des messages et des parcelles de vie qui ont alimentŽ lĠHistoire de notre commune, et qui ont ainsi ŽtŽ diffusŽs dans la France entire, voire au-delˆ des frontires.

CĠest ainsi quĠau hasard des recherches incessantes pour dŽcouvrir toujours de nouvelles Cartes Postales anciennes sur la commune ou la rŽgion de notre enfance, il arrive parfois de dŽcouvrir, ˆ la lecture des correspondances qui figurent sur celles-ci, lĠŽvocation dĠŽvŽnements qui ont dž marquer les esprits et les chroniques de lĠŽpoque.

Cela a ŽtŽ mon cas ˆ lĠoccasion de lĠacquisition de cette carte postale de LA CALLE, datŽe du 23 octobre 1909, et qui venait avec joie enrichir ma collection.

En effet, on peut dŽcrypter au verso le texte suivant :

 

 

La Calle le 23 octobre 1909.

Ma chre LŽonie. Je viens de rentrer dĠune corvŽe plut™t dŽsagrŽable. On mĠa confiŽ la mission dĠaller avec ma compagnie ˆ Yusuf assurer le maintien de lĠordre pendant lĠexŽcution capitale dĠun indigne : BOUBAKEUR. Parti ˆ 2 heures de lĠaprs midi le 21, je ne suis rentrŽ quĠhier ˆ midi ˆ La Calle. JĠai dž faire escorter le condamnŽ ˆ sa descente de train, protŽger le montage de la Veuve (qui nĠavait rien de joyeuse) et organiser le piquet pendant lĠexŽcution.
JĠŽtais ˆ 3 ou 4 pas de la guillotine lorsque le couteau tomba. Je ne suis pas f‰chŽ au fond dĠavoir vu cela une fois, mais je ne ferais pas maintenant un pas pour aller voir ce spectacle macabre.
JĠabandonne ce sujet qui manque de gaietŽ, pour vous annoncer que mon frre quitte Fougres pour Chinon ? La mutation a paru ˆ lĠOfficiel.
JĠai dĠexcellentes nouvelles de Paulot et de sa maman. Il me tarde de les rejoindre et je mĠennuie ˆ mourir seul ici.
Je vous embrasse bien affectueusement ainsi que Pre.

Au cours dĠune de nos nombreuses et habituelles rencontres avec mes amis Callois, la conversation sĠest orientŽe sur les Cartes postales anciennes de LA CALLE et les messages quĠon pouvait y lire. En Žvoquant la correspondance particulirement macabre de ma trouvaille, lĠŽvŽnement relatŽ devait permettre ˆ un des amis prŽsents, le Dr. Jean-Claude PUGLISI, de faire resurgir dans sa mŽmoire un souvenir trs ancien, venant corroborer le tŽmoignage de lĠinconnu, rŽdacteur de cette carte dĠautrefois.

Bien entendu, les faits remontant ˆ une trentaine dĠannŽes avant sa naissance, notre ami nous a relatŽ le rŽcit que Monsieur RenŽ ARNAUD, agriculteur dans la rŽgion de LA CALLE, nŽ en 1895, lui avait contŽ dans son enfance :

CĠŽtait, nous disait-il, une triste affaire dont il avait ŽtŽ tŽmoin dans sa jeunesse : un ignoble assassinat avait eu lieu dans une mechta toute proche de Yusuf, et les gendarmes Žtaient venus sur les lieux pour tenter de dŽcouvrir le coupable. LĠenqute sĠavŽrant difficile, les gendarmes dŽcidrent alors de relever les empreintes digitales de tous les habitants du douar, puisque celles de lĠassassin figuraient nettement sur lĠarme du crime. Mais ˆ la consternation quasi gŽnŽrale de lÔassistance, lĠexamen sur place des diffŽrentes empreintes, ne devait pas apporter dĠŽlŽments probants aux gendarmes. Alors que la situation Žtait bloquŽe et que toutes les questions restaient sans rŽponses, lors dĠun nouvel interrogatoire, un membre de lĠassistance fit soudain remarquer quĠon avait nŽgligŽ, la premire fois, de relever les empreintes dĠun individu, qui sĠŽtait discrtement dissimulŽ derrire le cheval dĠun gendarme quĠil maintenait fermement par la bride. Aprs examen de ses empreintes, il sĠavŽra quĠil sĠagissait bien de lĠassassin recherchŽ et il sĠen est fallu de peu ce jour-lˆ pour quĠil Žchappe ˆ la justice. Celle-ci devait le condamner ˆ la guillotine.

CĠest bien ce BOUBAKEUR qui est ŽvoquŽ dans la carte postale du 23 octobre 1909 et qui fut guillotinŽ en place publique le 21 octobre 1909 ˆ Yusuf, petite commune situŽe ˆ une quinzaine de kilomtres de LA CALLE.

Ainsi, le plaisir de dŽchiffrer mŽticuleusement ce que rŽvlent les cartes postales anciennes, apporte de surcro”t de prŽcieux renseignements sur ce que fut la vie dĠautrefoisÉ CĠest lĠhŽritage quĠil ne faudrait jamais ranger dans les tiroirs de lĠoubli.

Christan COSTA