Toponymes bônois
(origine du nom de quelques rues et places de Bône)

Les rues de la ville de Bône sont "chargées" d'histoire. Chaque rue, ruelle, impasse, chemin ou place porte une parcelle de l'histoire d'une ville à la vitalité prodigieuse. S'intéresser aux noms de ces rues, c'est retrouver les travaux du passé de la cité depuis l'époque héroïque des premiers colons jusqu'aux heures sombres de 1962. Le choix de ces noms est significatif des intérêts des habitants au long des 130 ans d'existence française de Bône.

1 - Boulevard Papier :
Ce boulevard partait de la place Marchis et aboutissait au boulevard Jean Mermoz. A son emplacement, coulait un petit oued, le "Zaffrania" qui charriait les eaux de pluie des Beni-Ramasses et des premiers contreforts de l'Edough. Il se jetait dans la Boudjimah en passant à travers des terrains submergés l'hiver. Cet oued, que longeait un étroit sentier, a disparu. Canalisé et recouvert de maçonnerie, il a permis l'établissement du boulevard Alexandre Papier, du nom d'un entrepreneur des tabacs qui jouissait d'une grande notoriété dans la cité. Alexandre Papier, homme d'une grande érudition, fut président de l'académie d'Hippone et le restera vingt ans consécutifs. Ses "lettres sur Hippone" constituent une riche et savante documentation sur la ville de Bône et sa région.

2 - Avenue Garibaldi :
C'est l'ancienne rue de la Fontaine qui devait son nom à une grosse bâtisse de pierres maçonnées affectant vaguement la forme d'une fontaine o coulait une eau limpide et fraîche. Cette rue qui est l'une des principales artères du quartier de la Crolonne a pris en 1896, le nom de Garibaldi, général et patriote italien qui mit son épée au service de la France en 1870.

3 - Rue Eugène François :
Cette rue est aussi l'une des plus importantes du quartier de la Colonne. Anciennement nommée rue des Près-Salés, cette artère fut baptisée, au début du 20 ème siècle, rue Eugène François qui vécut et mourut dans le quartier de la Colonne, après avoir été l'un des premiers colons de 1848.

4 - Avenue Célestin Bourgoin :
Cette artère était anciennement nommée "La Conduite d'eau". Elle commençait tout près du carrefour des rues des Près-Salés (rue Eugène François) et de la Fontaine (avenue Garibaldi) pour se terminer au pied du massif de l'Edough. Initialement, cette voie n'étant pas carrossable n'était pas ouverte aux véhicules. C'était un chemin à peine empierré, sous lequel passait la conduite qui amenait au château d'eau de la rue d'Armandy les eaux captées pour l'alimentation de la ville dans le massif de l'Edough. Cette voie rejoignait le chemin de l'orphelinat au Pont-Blanc. C'était là que se trouvait les seuls bâtiments édifiés le long de la "Conduite d'eau". Il s'agissait d'un moulin à huile et de la maison d'habitation de Célestin Bourgoin. Ce dernier fut maire de Bône pendant huit ans, de 1870 à 1878. C'était un riche propriétaire qui possédait la presque totalité des terres que traversait la "Conduite d'eau". C'est lors de la délibération du 23 avril 1903 du conseil municipal de la ville de Bône que l'avenue de la "Conduite d'eau" fut baptisée Célestin Bourgoin.

5 - Rue de la Glacière :
C'était le nom d'une courte artère qui reliait, à leur extrémité Nord, les rues Bugeaud et Marcel Laucet. Vers 1880, un industriel bônois eut l'idée de créer une fabrique de glace artificielle par congélation de l'eau. Cette nouvelle fabrique de glace installée dans un local d'un immeuble dont la façade principale donnait sur la place Alexis Lambert, avait son entrée dans une rue parallèle qui était alors sans nom. Ce fut ainsi que ce bout de rue devint la rue de la Glacière.

Bône - Place Maria Favre

La rue du Capitaine Génova est celle que l'on voit à droite de la C.P.

6 - La place Maria Favre :
Cette place se trouvait au point de jonction de sept grandes artères de la ville : avenue Lavigerie, boulevard des généraux Morris, rue Bouscarein, rue Gambetta, rue Lemercier, avenue Foch et route de Sidi-Brahim. Cette place fut dédiée, en hommage, à une humble femme du peuple qui voua toute sa vie à secourir son prochain. Maria Favre était une mercière qui tenait boutique à l'extrémité de la rue Gambetta, tout près de la porte des Karégas. Tout ce que lui rapportait son modeste commerce servait à secourir les malheureux, les malades et les animaux abandonnés. Lorsqu'elle vivait, le quartier étant loin de ressembler à ce qu'il était en 1962, était situé à l'extrémité de la ville que la porte des Karégas séparait d'une campagne marécageuse et sans attrait.

Bône - Place Anatole France

7 - La place Anatole France :

Cette place triangulaire était située à l'angle des rues Lemercier et Jérusalem. Elle était plus connue sous le nom de "marché aux blés". En effet, l'entrée principale de ce marché au blé était située au milieu de cette place. La superficie autrefois occupée par le marché au blé a permis le prolongement de la rue Thiers et l'édification de l'école également nommée "école du marché aux blés".

8 - La rue du Capitaine Génova :
Cette rue reliait l'extrémité sud de la rue du 4 septembre et la place Faidherbe. Elle était anciennement nommée rue de l'Arsenal. Elle avait été contemporaine du début de l'occupation française et on pouvait la voir très nettement tracée, avec son nom sur un plan de la ville dressé le 15 septembre 1833 et portant la signature du Maréchal de Camp d'Uzer qui fut premier commandant de la subdivision de Bône. Le Palais Consulaire a pris la place de l'ancien arsenal à qui la rue devait son nom. C'est lors de la délibération du conseil municipal de Bône du 5 juin 1914 que l'ancienne rue de l'Arsenal changea officiellement de nom pour devenir la rue du Capitaine Génova. Ce dernier avait pris le commandement de la compagnie de volontaires qui avait été formée à Bône lors de la guerre franco-prussienne de 1870.

9 - La place des gargoulettes :
Cette place se situait à l'extrémité sud du cours Bertagna en face des arcades du Palais Lecoq. Elle devait son nom aux nombreuses gargoulettes que l'on y entassait à l'approche de l'été. Ces gargoulettes étaient apportées de l'île de Djerba par des chebecs tunisiens, bateaux de faible tonnage, à 3 voiles latines placées l'une derrière l'autre et pouvant également être mus par des rameurs. Les chebecs venaient accoster à l'angle nord-ouest de la petite darse en face de la statue Thiers. En 1962, il y avait bien longtemps que les gargoulettes avaient disparu. Le pavillon du Syndicat d'Initiatives et le jardin qui le ceinturait s'étaient installés sur la place.

10 - La rue du Quatre Septembre :
Cette rue reliait les extrémités Ouest du Boulevard Victor Hugo et de la rue du Docteur Bulliod. Elle fut ouverte en 1868 lors de la démolition du premier mur d'enceinte érigé en 1048. C'est toujours en 1868 que cette rue initialement baptisée rue Napoléon, devint rue de l'Impératrice afin de commémorer le passage du couple impérial à Bône, le 5 juin 1865. Le 4 septembre 1870, l'Assemblé nationale proclama la déchéance de Louis-Napoléon et instaure la République. Une grande vague nationaliste souffle sur la France et l'Algérie. La rue fut alors baptisée "rue du Quatre Septembre".

11 - Place Xavier Martin :
Cette place se situait dans la vieille ville à l'extrémité sud de la rue Danrémont. Elle s'appelait antérieurement place Rovigo, du nom du général Savary, duc de Rovigo, "commandant en chef le corps d'occupation d'Afrique" de 1831 à 1833. Xavier Martin avait fondé une société d'entraide et de secours appelée "la Miséricorde". La petite place reçut le buste de cet homme charitable, buste taillé dans le marbre par le sculpteur bônois Woerhle.

Claude BARNIER