La mise en place de l'Administration civile des Postes en Algérie

Nous avons vu précédemment que les possessions françaises dans le Nord de l'Afrique se limitaient à certaines villes du littoral, à leur proche banlieue et à Constantine que l'armée d'Afrique décida de conserver à tout prix. Plusieurs partis d'opposition en France et certains chefs militaires_ dont le maréchal VALEE nommé Gouverneur le 20 Novembre 1838, militaient pour une occupation restreinte et une politique d'entente et de bon voisinage avec un Etat musulman dirigé par ABD EL KADER comme le laissait supposer le traité de LA TAFNA du 30 Mai 1837. Cette politique de bon voisinage échoua, ABD EL KADER assimilant à un acte d'agression le passage des Portes de Fer par les Français le 28 Octobre 1839. Cet acte était pour lui une violation de son territoire; il décida d'y répondre par la guerre sainte qu'il déclara aux Français le 12 Novembre 1839. Le jour même les destructions de fermes, les razzias de troupeaux et les massacres de colons commencèrent. L'œuvre de colonisation était ruinée, la disette régnait dans les villes où les prix ne cessaient de monter.


En France THIERS revenu au pouvoir, était favorable au maintien de la France en Afrique; il donna à l'armée d'Afrique des effectifs et des moyens qu'elle n'avait jamais eus. Son successeur GUIZOT qui avait déjà défendu le maintien de la domination française en Algérie, pensait qu'il fallait en finir. Puisque la coexistence avec un Etat musulman était impossible, il fallait soumettre tout le pays. Comme les méthodes du gouverneur VALEE n'avaient mené à rien, il était nécessaire d'envoyer un nouveau Chef en Algérie. Ce fut le Général BUGEAUD qui s'était déjà distingué en Algérie. Dès son arrivée à Alger le 22 Février 1841, il publia une longue déclaration dans laquelle il faisait savoir à ses administrés qu'il n'y aurait pas un nouveau traité de la TAFNA avec ABD EL KADER. "Il faut que les Arabes soient soumis, que le drapeau de la France soit le seul debout sur cette terre d'Afrique". Il affirmait également la nécessité de coloniser.

Sur le plan militaire BUGEAUD prit le contre-pied des méthodes précédentes. Il substitua l'offensive à la défensive, I'attaque incessante à l'attente de l'ennemi dans les camps, le déplacement continuel de ses colonnes de soldats d'un point à l'autre du territoire. Cela permit à la France de dominer le pays à l'exception de la Kabylie orientale mais BUGEAUD qui se plaignait de la violence des attaques de l'opposition et de certains de ses lieutenants comme LAMORICIERE, décida de rentrer en France; il quitta l'Algérie le 25 Juin 1847. Quant à ABD EL KADER il faisait sa soumission à la France et fut sur ordre de LOUIS-PHILIPPE interné à Pau.

Dans le même temps qu'il dirigeait ses colonnes à la recherche d' ABD EL KADER, BUGEAUD s'efforça d'administrer et de coloniser le pays dont il avait la charge. Toutefois il avait en matière d'administration et de colonisation des vues nettes. Tant que la paix ne serait pas rétablie, il pensait que l'Algérie devait rester sous la direction de l'armée et que la colonisation devait être subordonnée aux nécessités militaires. Cette colonisation dès l'origine, ne fut pas seulement française mais européenne et plus spécialement méditerranéenne. La France donnait les chefs, les cadres et une partie des troupes alors que du bassin occidental de la Méditerranée venait une masse d'émigrés composée de pauvres diables espérant obtenir du travail à des conditions un peu plus favorables que dans leur pays. Lorsque BUGEAUD se retira, les villes se développaient sur la côte et dans 1'intérieur; 1500 kilomètres de bonnes routes les reliaient entre elles, les grands ports étaient dotés d'un outillage moderne.

La 2e République qui fut proclamée en France après que le roi LOUIS-PHILIPPE ait été renversé par les républicains et les bonapartistes, fut bien accueillie en Algérie par les colons qui pensaient être ainsi délivrés de l'absolutisme des militaires. Ils le trouvaient arbitraire, despotique et insupportable. Leurs espoirs ne se réalisèrent que très partiellement. La Constitution de 1848 réaffirma que l'Algérie était un territoire français mais elle continua à dépendre du Ministère de la Guerre; l'influence des généraux y resta forte. Les trois provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine, furent divisées en un territoire civil et un territoire militaire. Le régime des institutions françaises fut appliqué au territoire civil qui fut lui-même divisé en trois départements: Alger, Oran, Constantine. Le territoire militaire restait aux mains de l'armée, il dépendait du gouverneur général et des généraux de division.


Sous la 2e République les ultimes résistances des tribus arabes furent maîtrisées et la Kabylie fut entièrement soumise. De son côté la colonisation se poursuivait. D'abord la colonisation officielle: le gouvernement envoya en Algérie des ouvriers sans travail ainsi que des artisans parisiens qui malheureusement n'entendaient rien aux travaux de la campagne. L'expérience fut désastreuse, nombre de colons se rendirent dans les villes ou rentrèrent en France. 11 y eut également une colonisation non officielle. Les colons libres parmi lesquels il y avait un nombre important d'étrangers, fondèrent des villages dans les trois anciennes provinces d'Algérie.

A la veille du coup d'Etat du 2 Décembre 1851 et bien que l'extension de la colonisation soit rendue difficile en raison du maintien de l'intangibilité de la propriété individuelle et de l'interdiction de faire des transactions dans les territoires des tribus, 131000 Européens dont 66000 Français, étaient Installés en Algérie. A ce propos signalons que ce nom d'Algérie qui se substitue à la désignation ancienne de "Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique" n'a pas fait l'objet d'un acte officiel tel que décret ou ordonnance. C'est en fait une lettre du Général SCHNEIDER Ministre de la Guerre, datée du 14 Octobre 1839 au Maréchal VALEE Gouverneur Général qui stipule que le nom d'Algérie plus court, plus simple et plus précis que tous les autres noms, doit dorénavant prévaloir et être utilisé dans tous les actes ou certificats délivrés par les autorités civiles et militaires.


L'occupation progressive de l'Algérie par la France, les efforts officiels ou non de mettre en valeur des terres incultes, I'arrivée continue avec des hauts et des bas d'émigrants français et européens et la construction par l'armée de nouvelles routes, amenèrent la modernisation des anciens douars arabes et la création de petites villes ainsi que de centres ruraux purtant bien souvent ie nom de victoires françaises. De plus le désir des gouvernements successifs de la 2e République de réaliser une assimilation progressive de l'Algérie à la France, entraîna l'introduction d'une manière plus complète des institutions françaises en Algérie. C'est ainsi qu'au cours de la période qui débuta en 1838 pour se terminer en 1851 avec l'avènement du Second Empire, il y a eu en Algérie en ce qui concerne le service des Postes d'importants changements. Tout d'abord la création de nouveaux bureaux qui s'ajoutent aux cinq bureaux anciens que nous connaissons, ensuite l'apparition de marques postales nouvelles et d'oblitérations, enfin l'utilisation comme en France à compter du ler Janvier 1849 des premiers timbres français.

La première partie qui figure ci-dessous sera donc consacrée aux bureaux, les deux autres feront l'objet de publications ultérieures.

LES BUREAUX

Au temps de la poste exclusivement militaire les cinq bureaux existant, placés d'abord sous l'autorité du payeur général militaire, puis sous l'autorité du directeur des Finances, étaient uniquement chargés de la distribution des lettres. Cependant à partir de 1835 bien que le service postal reste confié à des agents militaires, les règlements postaux civils sont introduits dans le service de la poste. Toutefois aucune hiérarchie n'existe parmi les cinq bureaux qui continuent tous les cinq à être placés sur le même plan.

Il va en être autrement après 1838 car la tendance est à la démilitarisation partielle du service des Postes. Ainsi l'ordonnance du 21 Août 1839 qui maintenait pour des raisons d'économie, le service sous 1'autorité du Trésorier Payeur, précisait cependant que les Payeurs cesseraient d'être seulement des agents militaires. Marquant une étape vers une organisation conforme à celle de la Métropole, elle supposait une hiérarchie parmi les bureaux et prévoyait des bureaux de distribution à partir de 1840, les autre bureaux étant des bureaux de recette. En confirmant cette nouvelle orientation du service des Postes en Algérie, nous donnons ci-après avec l'année de leur création, la liste des bureaux de recette et la liste des bureaux de distribution.

A) BUREAUX DE RECETTE

Département d'Alger:

Département d'ORAN:

Département de CONSTANTINE:

1839 - ALGER 1844- MEDEAH 1840 - ORAN 1845 - MASCARA 1839 - PHILIPPEVILLE 1844 - DJIDJELLI
1840 - CHERCHELL 1844 - MILIANAH 1840 - MOSTAGANEM 1847 - SIDI BEL ABBES 1840 - BONE 1847 - BOUGIE
1841 - BLIDAH 1845 - DELLYS 1843 - TLEMCEN 1849 - NEMOURS 1840 - CONSTANTINE 1849 - BATNA
1843 - ORLEANSVILLE 1847 - DOUERA     1843 - SETIF  
1843 - TENEZ 1848 - AUMALE        


B) BUREAUX DE DISTRIBUTION

Département d'ALGER:

Département d'ORAN:

Département de CONSTANTINE:

1847 - BOUFARICK
1840 MERS EL KEBIR
1850 - STORA
1847 - COLEAH
1850 - ARZEW
1847 - DELY-IBRAHIM
1850 - L'ARBAH



Jean SAUVAGE