L'Oued Harrach et Maison-Carrée


S'il n'est une ville qui ne peut être dissociée de son oued c'est bien MAISON-CARREE.

L'oued Harrach ayant pour principal affluent l'oued Smar prenait sa source dans le massif du Bouzegza et se jetait dans la baie d'Alger après avoir traversé la Mitidja.

En 1830 la Mitidja n'était qu'un vaste marécage qui, durant la saison des pluies, absorbait les caprices de l'oued Harrach.

Il n'existait d'ailleurs en ce lieu qu'un bordj délabré, dont la construction remontait à 1724, connu sous diverses appellations: Bordj El Kantra (le fort du pont car il existait un vieux pont de pierres enjambant l'oued), Drâ El Harrach (le monticule de l'Harrach), Bordj El Agha (le fort de l'Agha), ou encore Bordj Yahhia (le bordj de Yahhia qui fut effectivement agha). Sous les turcs c'était une espèce de caserne d'où l'agha envoyait ses troupes châtier quelque tribu récalcitrante ou pour lui faire payer l'impôt.

Les troupes françaises du génie qui occupèrent ce bordj dès 1830 uniquement à la saison sèche le surnommèrent La Maison-Carrée.

Les travaux de mise en valeur de la Mitidja qui consistèrent au drainage des eaux et à la construction de digues eurent pour effet une canalisation forcée de l'oued qui, par temps de crue avait perdu son dévidoir naturel qu'était le marécage. Le ressac de la mer à l'embouchure de l'oued empêchait l'évacuation des eaux qui remplissaient rapidement la cuvette naturelle aux abords du bordj.


Dès 1850 un centre de peuplement avait été créé en ces lieux et, vu sa situation géographique près d'Alger, il prit rapidement de l'importance en particulier grâce à son marché. En 1885 La Maison-Carrée comptait 3000 habitants dont 1800 européens qui avaient régulièrement les pieds dans l'eau. En 1906 une crue exceptionnelle inonda la ville. Certains quartiers eurent plus d'un mètre d'eau et il y eut plusieurs victimes. Des travaux de curage des berges furent entrepris et l'embouchure fut désensablée. Le résultat ne fut pas à la hauteur des résultats escomptés mais atténua le phénomène. Maison-Carrée prit un essor fulgurant en particulier dans le domaine de I'industrialisation. On fit appel à la main d'oeuvre indigène. Ne pouvant la trouver sur place les industriels recrutèrent leur personnel dans les environs. On assista à un déplacement de population qui dut se loger. L'urbanisme à l'époque ne répondant à aucune règle en ce qui concernait les zones inondables, de véritables mechtas sortirent de terre le long de l'oued Harrach.

En 1911, une crue d'une violence inouïe balaya tout sur son passage faisant une fois de plus de nombreuses victimes.

La municipalité de Maison-Carrée délimita un périmètre non constructif et le fit respecter. D'autres crues eurent lieu, en particulier en 1923, et, malgré de nouveaux travaux de drainage des berges, l'oued ne fut jamais sécurisé. On se contenta de surélever les routes et les voies de chemin de fer, on créa une carrière de sable à l'embouchure et Maison-Carrée vécut avec le risque d'inondation.


En 1960, une nouvelle crue fit des dégâts considérables. La route d'Alger à Constantine fut coupée, la voie ferrée emportée à plusieurs endroits sans parler d'un mètre d'eau dans certains quartiers en particulier au Gué de Constantine et dans la zone industrielle d'Oued-Smar qui se trouva paralysée durant un bon mois.

On ne peut parler de l'oued Harrach sans y évoquer l'odeur qui s'y dégageait été comme hiver. Véritable égout de la ville de Maison-Carrée, la flore et la faune avaient complètement disparu. Et pourtant, dans les années 1900, sous les ponts de Maison-Carrée, les pêcheurs s'y bousculaient. Anguilles, barbeaux et mulets y pullulaient. Une carte postale de 1904 de L. POISSON, éditeur à Maison-Carrée, montre un carrelet installé sous le nouveau pont et une autre de LEROUX, éditeur à Alger, des lavandières.

Pierre CARATERO

  Maison-Carrée