LA BALLADE POUR LE COUSCOUS

 

Dans les auberges parisiennes,

On sert maintenant, très souvent

Un plat, autant qu'il m'en souvienne,

Qu'on n'y voyait jamais avant.

Ce plat qu'on fabrique en série

Et qui semble bien plaire à tous,

Nous est arrivé d'Algérie

Et ça s'appelle le couscous.

 

Je ne sais pas ce qui se passe,

Mais j'ai l'impression que ce plat

(La sauce n'est pourtant pas grasse)

Me reste un peu sur l'estomac.

Car, sans être un vrai plat de riche,

Etant même accessible à tous

Avec son mouton, ses pois chiches,

Il nous revient cher ce couscous.

 

Pour obtenir la recette,

Songer qu'on envoya Bugeaud,

Il y a laissé quelques casquettes

Quelques zouaves, quelques chevaux...

Il trouva des lions, des moustiques,

Des figuiers, pas mal de cailloux,

Et des gens qui bouffaient des briques

Oui - mais pas souvent - du couscous

Dans ces contacts entre deux races,

L'un donne à l'autre ce qu'il a,

C'est un échange qui se passe,

Nous, nous apprîmes à ces gens-là

A lire, à cultiver la terre,

La médecine et la loi pour tous;

Eux, la seule chose qu'ils savaient faire

Ils nous ont appris le couscous

Dès lors, pendant cent trente années,

Des Français vinrent en bateau

Avec eux, des villes sont nées,

Des vignobles, des hôpitaux...

Puis, quand le pays fut prospère,

On les a virés d'un seul coup

Disant: " Nous gardons vos affaires,

Vous, vous emportez le couscous "...

Cette histoire qui paraît folle

Présente au moins un intérêt,

C'est d'apprendre à la Métropole

Tout un monde qu'elle ignorait.

Car nombreux sont ceux qui s'écrient

Au restaurant, d'une voix douce:

" Ça existait donc, I'Algérie ? "

Puisqu'il existe le couscous.

Les rapatriés d'Algérie,

Dans tout ça, font un peu bâtards.

Certes, ils ont quitté leur patrie,

Sous le choc d'un pied quelque part,

Mais de les entendre geindre,

Ceux qui n'aiment pas se faire de mousse

Leur disent: " Quoi ? Vous n'êtes pas à plaindre

Puisqu'à Paris y a du couscous ! "


ENVOI

Princes, Si par quelque féerie

Bugeaud revenait... S'il disait:

" Je vous avais donné l'Algérie... "

" Qu'en fîtes-vous ? " On répondrait:

" Nous avons lâché blé, pétrole,

Oran, Sidi-Bel-Abbès et Beni-Messous;

Mais la France qui n'est pas folle

N'abandonnera jamais le couscous... "

 

Poème transmis par Luc TRICOU