UNE ANECDOTE qui pourrait apporter une réponse
sur l'origine du mot " Pieds noirs " De nombreuses personnes se sont interrogées, ou s'interrogent peut-être encore, sur l'origine du mot " Pieds-Noirs ". Pourquoi ce nom ? ... Oui, bien sûr, parce que nous sommes nés outre-mer ! ... Ça nous le savons. Le hasard faisant parfois bien les choses, en consultant de vieilles revues du siècle passé, nous avons découvert un article de M.A de Gondrecourt, relatant une anecdote qui pourrait apporter un élément de réponse sur ce mystère. Celle-ci pourra être tenue pour vraie, car l'auteur était à son époque, non seulement un écrivain des plus distingués, mais également un ancien officier du corps expéditionnaire d'Algérie. On peut donc compter de sa part, sur l'exactitude de ses dires. Voilà donc un extrait de ce récit datant de 1848: En Algérie la population militaire se divise en deux classes: les corps indigènes et les régiments de France. Chaque corps a son esprit particulier, son genre, son cachet... Le chasseur à pied s'est d'abord fait remarquer par insouciance, sa folle bravoure, mais aussi sa morale un peu sans gêne. Il aime le plaisir, il aime le vin frais, la danse, les bons repas et la gaudriole. Il se fait très souvent punir, et compte trop imprudemment sur un combat prochain pour faire lever ses punitions. On l'a baptisé de deux surnoms qui lui vont à merveille. Comme il est toujours au bivouac, aux avant-postes, en plein air et en plein vent et qu'il adore la maraude, on l'appelle chacal. Comme il est sans souci, il chante à tout propos, et qu'il papillonne avec élégante légèreté, on l'appelle zéphyr. Le zéphyr se livre à toutes sortes d'effusions. Lorsqu'on ne trouve pas moyen de le mener au feu, il s'avoue capable de faire les cent dix-neuf coups Pour faire une partie de cabaret, pour jouer à l'écarté, il vend tout ce qui lui appartient, ce qui ne lui appartient pas, et se vendrait lui-même si on voulait et pouvait faire cette embarrassante acquisition J'ai connu l'un de ces chacals qui, étant en garnison à Mostaganem, avait joué et perdu ses souliers et ses guêtres contre une dette qu'il avait contractée dans un café. Comme il était commandé pour monter la garde, tout autre que lui eût été bien en peine de se présenter à la parade pieds nus ; emprunter les souliers d'un camarade était chose impossible, notre homme avait des pieds de colosse qu'il fallait chausser tout exprès.
Cette opération terminée, Jérôme (le chacal s'appelait Jérôme), s'habilla fort proprement, endossa son sac et ses buffleteries bien blanchies, prit son fusil qui était parfaitement bien astiqué, et au premier coup de baguette, il était dans la cour de la caserne pour répondre à l'appel Tu imagines bien les fous rires qui accueillirent l'observation du vieux lieutenant de Mostaganem qui, ses lunettes sur le nez, se baissa pour mieux voir, et s'écria " Voilà un homme bien tenu, et parfaitement luisant ! " Jérôme, solide au port d'arme, ne fronça pas le sourcil, garda un sérieux imperturbable, et fut quitte, en fin de compte, pour quatre jours de salle de police, au lieu de passer à un conseil de guerre pour vente de ses effets. Il avait eu de l'esprit, et même à l'armée, à quelque chose l'esprit est bon ! Voici livrée à votre imagination une aventure qui, si elle n'est pas la preuve que nous recherchons, n'en est pas moins un authentique témoignage du passé historique de notre Algérie. Autre singularité découverte dans le même ouvrage : En terme de mépris, les Indiens de la côte de Malabar qualifiaient les Européens de " mangeurs de vaches ", Mais chose plus curieuse, amicalement ils surnommaient les Français, " Frangouis ". Ne faudrait-il pas voir là, l'origine du mot " Frangaouis " que nous connaissons si bien ?... Robert BALLESTER Source bibliographique : Le Musée des familles 1845
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